Michel Talagrand a reçu le 20 mars 2024 le prix Abel, l’équivalent du prix Nobel en mathématiques. À l’image de son travail de recherche qui a marqué durablement différentes branches des mathématiques, il a également laissé un vif souvenir lors de ses études à l’Université Claude Bernard Lyon 1.
« Michel Talagrand est probablement le meilleur étudiant qu’il y ait eu à Lyon en mathématiques ». C’est en ces termes que se souvient Thierry Dumont, ancien ingénieur de recherche à l’Institut Camille Jordan (UCBL), de son camarade à l’Université Claude Bernard Lyon 1. Celui que tous voyaient devenir à l’époque de plus en plus fort – de manière exponentielle – est aujourd’hui lauréat du prix Abel, l’équivalent d’un prix Nobel en mathématiques.
Membre de l’académie des sciences et ancien chercheur de recherche au CNRS, Michel Talagrand a reçu cette distinction « pour ses contributions révolutionnaires à la théorie des probabilités et à l’analyse fonctionnelle, avec des applications remarquables en physique mathématique et en statistique », a salué l’Académie norvégienne des sciences et des lettres.
Un produit de la formation universitaire lyonnaise
Élève au Lycée du Parc à Lyon, Michel Talagrand entre ensuite en filière maths-physique à l’Université de Lyon, qui deviendra en 1970 l’Université Claude Bernard Lyon. Il poursuit par une maitrise en mathématiques pures toujours à l'UCBL. Ce produit de la formation lyonnaise laissera d’ailleurs un vif souvenir, aussi bien à ses camarades qu’à ses professeurs.
« Il y a eu pas mal de sueurs froides chez nos collègues, quand Michel était là », se remémore, amusé, Thierry Dumont. Ce dernier relate l’un des premiers coups d‘éclat de ce génie des mathématiques : « Lors d’un cours avec Henri Buchwalter - un extraordinaire professeur d’analyse - sur les séries de Fourier, Talagrand a interpellé Buch’ : C’est faux ! Et oui, c’était faux. Pourtant Buchwalter n’était pas un plaisantin » relate son ancien camarade.
Après l’agrégation de mathématiques en 1974 – où il est classé premier -, Michel Talagrand reçoit le soutien de Jean Braconnier, figure emblématique de la vie universitaire lyonnaise, pour postuler au CNRS. L’ancien doyen de la Faculté de sciences de l’Université Claude Bernard Lyon 1 et bâtisseur du campus de la Doua adressera au comité national une lettre collective, signée par quatre des enseignants lyonnais du jeune mathématicien alors âgé de 22 ans.
Des mathématiques profondes à partir d’objets simples
Devenu chercheur au CNRS à l’Institut des mathématiques de Jussieu en 1986 , Michel Talagrand a marqué différentes branches des mathématiques. En particulier le domaine des probabilités, qui a longtemps été considéré comme un domaine marginal. « Ce qu’il a réalisé à un niveau très théorique a eu des conséquences, exposées ensuite par d’autres chercheurs dans beaucoup de domaines », commente Guillaume Aubrun, Maître de conférences à l’UCBL et chercheur à l’Institut Camille Jordan.
Ses travaux ont très certainement contribué à l’essor du domaine des probabilités et de l’études des événements extrêmes, avec des applications dans bien des domaines : du big data aux marchés financiers, de l’étude des vagues aux propriétés des matériaux, ou des résultats des élèves à l’école.
Au-delà des ses contributions théoriques, c’est également son approche des mathématiques qui fait toute la particularité de ce mathématicien hors-pair, souligne Guillaume Aubrun : « en mathématiques on regarde souvent des objets très complexes. À l’inverse, lui s’intéressait à des objets simples (au sens où l’objet n’est pas difficile à définir). En somme, il a construit des mathématiques profondes et importantes à partir de peu de choses ».
Michel Talagrand est ainsi le cinquième français a recevoir cette prestigieuse distinction. Il a indiqué reverser la dotation qu’il a reçue – 1,2 millions d’euros – à une fondation qu’il est en train de créer et qui aura pour vocation de décerner son propre prix pour couronner des avancées en mathématiques.